Un petit retour sur la JICBP ce matin­..

Au lieu de détailler les raisons de la manifestation, comme d'habitude les médias tombent à coeur joie dans la désinformation, en se fiant non sur leurs journalistes sur les lieux (ils n'en avaient probablement pas) mais sur la version seule de la police.

Et voici que la police prétend que "des manifestants, dont certains étaient armés de bâtons, avaient utilisé du poivre de cayenne contre les forces de l'ordre." Évidemment, je comprends que le SPM soit un peu fâchée: pour une fois, c'est eux qui se sont faits taper sur la gueule par les manifestants (et non le contraire). Cependant, je dois signaler à M. Lafrenière, la bouche habituelle de la propagande canine, que c'est ses propres agents qui ont balancé le poivre de cayenne qui a "blessé" ses propres agents. J'en suis le témoin privilégié car j'ai reçu une partie du jet qui a été lancé vers les manifestants et je dois vous dire: je n'ai jamais vu un tel appareil en vente pour les civils, sauf peut-être les machin anti-ours, qui ne sont pas tout à fait en vente libre ni accessible à toutes les bourses.

Évidemment, on nous ressort encore les manifestants comme des groupes organisés et criminels qui avaient bien établi leur attaque envers la police.. Les choses ne sont jamais si simple.

Les gens doivent comprendre dans quel contexte cette manifestation se tient et qui y va. Premièrement, depuis des années la police procèdent à du nettoyage de toute sorte dans les rues de Montréal. Quand j'ai commencé à m'intéresser au phénomène, c'est les punks au centre-ville qu'on a nettoyé: il fallait embourgeoiser et enrichir les promoteurs du centre-ville, pour la spéculation, pas de place pour des punks anarchistes squattant le centre-ville avec leurs allures bizarres. Et hop! Harcèlement, tickets pour cracher à terre, criminalisation du "squeegee", etc. Les punks ont tôt fait de foutre le camp du centre-ville et de ses parcs où ils passaient souvent l'été. Depuis ce temps là, les punks manifestent chaque année contre la brutalité policière parce que cette répression n'a jamais cessé et ils n'ont pas dormi depuis. Notons aussi que le véritable problème qu'on aurait pu essayer de régler (quoiqu'encore là), lui, est toujours là: les vendeurs de dope de tout acabit sont encore là, ils sont juste mieux costumés, ce qui semble faire l'affaire de la police. Voilà pour les punks.

Plus récemment, la prostitution de rue a sorti dans les manchettes et c'est les travailleuses du sexe qui ont été prises à parti. Les travailleuses plus pauvres et parfois junkie ayant déjà été évacuées des axes Ste-Catherine/St-Laurent, elle se sont retrouvées poussées vers les quartiers résidentiels: hochelaga, centre-sud, évidemment, ça n'a pas fait l'affaire de tout le monde. Ça a crié fort "pas dans ma cour" lorsqu'on a essayé d'implanter un projet de maison ouverte pour sortir les travailleuses de la rue, milieu très dangereux pour elles. Des citoyens sont sortis dans la rues, battes à la main, pour tabasser des prostitiués, suivant probablement l'exemple des flics qui harcèlent quotidiennement les travailleuses du coin. Désormais, les filles sont poussées toujours plus loin du centre-ville et des ressources qui se sont créées pour les défendre, grâce encore une fois à la répression policière téléguidée par l'hôtel de ville (faut-il le préciser?). La prostitution se rend maintenant dans St-Michel, NDG, côte-des-neiges et les banlieues.

Les itinérants participent aussi à chaque année à la manifestation. Premières et dernières victimes de la répression policière, souvent anciens psychiatrisés, ces personnes n'ont pratiquement aucunes ressources pour se défendre contre la brutalité constante des policiers et la discrimination dont ils sont victimes. La police de Montréal a récemment commencé la "lutte aux incivilités" (version html): "consommation d'alcool", "graffitis", "abandon d’objets divers et saletés", "bruit", "violences verbales", l'éternel "attroupement illégal" et la toujours aussi dangereuse "impolitesse". Évidemment, cette lutte n'est pas contre toi et moi, honnêtes citoyens qui s'adonnent à avoir un travail et un "look" "honnête", mais on cherche à se débarrasser de la "présence dérangeante d’itinérants", "de mendiants", "de squeegees", "de regroupement de jeunes sur la voie publique". On met dans les rapports officiels de police ces incivilités à côté de la "lutte au terrorisme" de la police de Montréal. Évidemment, on peut facilement s'imaginer que la police ne viendra ''jamais'' à bout de l'itinérance et des "regroupements de jeunes". Tout ce qu'ils réussissent à faire, c'est les repousser un peu plus loin, hors du centre-ville où l'on fait la spéculation immobilière. Donc, pour cette raison, les ittinérants sont encore plus pris à partis et encore plus vulnérable et donc manifestent aussi lors de la JICBP.

Finalement, comment passer sous silence le dernier et plus récent vice du SPVM qu'on a nommé le "profilage racial", terme politiquement correct pour dire que la police de Montréal est carrément raciste. Sous des couverts de lutte au terrorisme, on commence à cibler les maghrébins, arabes et gens de couleur de toute sorte. Mohamed Anas, un jeune marocain de 24 ans a été ainsi abattu à Côte des Neiges. On se souvient aussi probablement tous l'histoire d'Anthony Griffin abbattu par un flic raciste à la fin des années 80.

Avec toute cette répression 365 jours par année, il est tout à fait normal que les gens explosent lorsqu'ils le peuvent. En fait, ils le font toute l'année mais ils ne sont pas assez fort, seuls et démunis pour se défendre face à la police. Le 15 mars, nous étions 200 et ils ont senti que, pour une fois, ils avaient le gros bout du bâton. Je ne veux pas faire la promotion de la violence contre la police, mais comme disent mes copains Code d'Éthique (en show vendredi, demain, à l'hémisphère gauche, venez nombreux!), "on récolte ce que l'on sème". Je ne vais pas balancer de bouteille au visage de flic, du moins pas encore. Je n'ai pas encore été assez opprimé, je ne suis pas coincé. Je peux écrire ici et leur gueuler après au 15 mars.

Eux on leur gueule toute l'année après et en ont mal au coeur de ces injustices toute l'année, alors le 15 mars, pour eux, c'est une fête. C'est leur fête. C'est le jour où on leur fait leur fête à ces bureaucrates en matraques. C'est le jour où tout fout le camp, enfin, et que la balance remonte un peu dans l'autre sens. Évidemment, ça ne dure généralement que quelques minutes avant que l'anti-émeute débarque et que ça dégénère en bataille de rue rangée perdue d'avance à cause des moyens techniques formidables du SPM. Mais pendant de courts instants, les opprimés deviennent les tyrans.

À qui le reproche pour cette police dévisagée? À la main qui a lancé la bouteille, certes, mais surtout à la police de Montréal elle-même qui encore et surtout aujourd'hui va continuer son profilage racial, sa "lutte aux incivilités", ses arrestations de masse, et son nettoyage social du centre ville de Montréal. À l'hôtel de ville aussi qui encourage, justifie et organise ce nettoyage pour se donner une "plus belle ville" sans regard aux habitants qui y vivent vraiment.

Montréal, pour finir, n'est pas en reste. Ce mouvement de nettoyage des centre-ville s'est opéré et s'opère encore dans toutes les grandes villes du monde, quoique Montréal soit encore un peu en retard sur Paris, New York et les autres grandes villes où "banlieue" n'est plus synonyme de SUV et "bungalow" mais de pauvreté, HLM, émeute et misère généralisée. L'approche que prend l'état est de déplacer la dissidence et la misère géographiquement vers les quartiers déjà plus pauvres pour en faciliter le contrôle et la répression. Encore bravo, ça fonctionne à plein régime.

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