L'économie, la politique, ou la révolution pure et simple?
Je suis en train de lire The Shock Doctrine: The Rise Of Disaster Capitalism, le dernier livre de Naomi Klein. Livre fascinant, il détruit le mythe selon lequel capitalisme et "démocratie" vont de paire. Du Chili à la Russie, en passant par l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, l'Afrique du Sud, la Pologne et les autres haut et bas lieux d'expérimentations capitalistes, Klein fait un solide exposé de la doctrine du "choc" qui, depuis une cinquantaine d'années, façonne les politiques sociales et économiques de nos pays soi-disant démocratiques.
L'idée de base était originalement de profiter d'un choc existant ou ressenti (premier choc) pour imposer une nouvelle série de modifications économiques majeures (second choc) et ensuite imposer un état de loi martiale, coup d'état ou répression majeure (troisième choc) afin de faire passer la pilule si résistance il y a. Ce triumvirat de chocs a été imposé dans tous les pays nommés ci-haut à un moment à un autre afin de les faire passer de sociétés démocratiques avec des protections et mesures sociales à des économies de marché ouvertes et le plus purement capitalistes, telles que décrites par les doctrines de l'école de Chicago, menée par Milton Friedman, cet économiste qui a conseillé Pinochet durant ses "meilleurs" moments. Ces mesures sont en général au nombre de trois également: coupures dans les services publics (santé, éducation, etc), retirer les contrôles sur les prix (incluant le salaire minimum) et finalement retirer les barrières tarifaires aux douanes. Ces mesures, habituellement hautement impopulaires dans la population, sont souvent impossible à passer dans un système démocratique. La réponse est simple et brutale: un coup d'état (Chili), une crise économique (Pologne, Russie, Canada), un ouragan (États-Unis) sont utilisés comme opportunités afin d'imposer rapidement les mesures. Et quand les gens répliquent, on répond par la force.
La dernière innovation de ces rapaces, c'est que quand la crise n'arrive pas d'elle-même, elle doit être inventée. Pour vous donner un exemple plus proche de nous... Vous vous souvenez il y a quelques années quand le Canada était supposément menacé de voir sa "cote de crédit" dévaluée par les banques et prêteurs? Les médias ont fait un choux gras de ces histoires selon lesquelles nous aurions trop dépensé et mal géré notre argent, rendant notre gouvernement non solvable! Les libéraux, au pouvoir à l'époque, ont profité de l'hystérie pour imposer d'énormes coupures dans les "transferts aux provinces", qui servent principalement à financer les infrastructures publiques: santé, éducation, transport en commun, mais aussi réduire les taxes aux particuliers et aux entreprises, la plus grande coupure de taxes de l'histoire du Canada. Il s'est ensuite avéré que le fameux déficit Canadien n'était pas autant dû aux dépenses sociales, mais aux taux d'intérêts élevés qui ont grossi la dette (et donc son service) à des proportions démesurées. Non seulement ça, mais la firme reconnue comme élaborant cette "cote de crédit" (Moody's) criait sur tous les toits que la cote de crédit du Canada était correcte et qu'il n'y avait pas de raison de s'énerver... (Voir pages 308-310 du livre pour les références)
Tout ça pour dire que c'est la nouvelle mode: la politique est auxiliaire. Un grand cirque où on présente une seule facette de la vérité, où on prétend donner au peuple un recours sur sa destinée, mais qui constitue surtout un rempart envers, justement, la véritable volonté des populations, soit: la stabilité et la sécurité. La stabilité, désormais, s'exprime par les différents palliers de gouvernements sous la forme de coupures radicales dans nos services sociaux, nous assurant que des "partenariats public-privés" vont nous assurer les services auparavant couverts par des projets de société authentiques et stimulants. La "stabilité", c'est maintenant la privatisation, la vente au moins offrant de nos acquis sociaux, de nos ressources naturelles, de nos services publics. La sécurité, elle, se fait au poivre de cayenne, à la matraque et au Taser; sous la forme de certificats de sécurité permettant d'emprisonner tout immigrant ou même résident permanent sans présenter de preuves à l'accusé ou même avoir à établir la culpabilité de la victime hors de tout doute raisonnable comme il serait nécessaire lors d'un procès ordinaire.
Tout ceci se fait derrière des portes fermées, avec des accords comme l'ALENA et des décrets,règlements et lois émises par des gouvernements n'ayant plus aucun compte à rendre à la population après leur élection (manifestement). De toute façon, du PQ au PLQ au PLC au PC, c'est toute la même franche camaraderie avec le milieu des affaires, la même complaisance envers le travailleur et le citoyen, le même mépris clair de notre "état providence", modèle périmé aux yeux des néo-libéraux lobbyistes qui courtisent continuellement le gouvernement dans les couloirs.
Le fond de l'idée ici c'est: gardez les yeux ouverts. Regardez à qui le crime profite. La politique n'est plus au service des citoyens, mais au service de l'économie et des conglomérats. Vous n'êtes que des esclaves dans le grand nouveau marché capitaliste... du moins c'est comme ça "qu'ils" voient la chose. Un jour ça va péter, et ils vont réaliser (comme durant la période entre les deux guerres) que le peuple est pas si malléable et qu'une révolution est si vite arrivée...